Où ça en est votre projet d'adoption ?
C'est un billet spécial Choupi aujourd'hui... en réponse à une de ces questions...
"Comment tu fais pour gérer l'attente ?"
J'ai évidemment beaucoup de chance de poursuivre notre route vers les Philippines, nous savons où nous allons... Beaucoup de choses sont beaucoup plus claires que dans d'autres pays ...
Ce texte, je l'avais écrit pour la rencontre notre APPO, PAEPAMA pour le 1er novembre 2013.
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L’attente
1/ Un peu de définitions…
1.1 Le besoin
Le besoin, c’est quelque chose de nécessaire pour la survie psychique ou physique de l’individu.
Tout autre besoin est de l’ordre du désir…
Cependant, attention, il peut y avoir des besoins cachés
Ainsi, une femme qui a besoin de recevoir des fleurs n’a pas besoin de fleurs…
C’est un autre besoin, plus caché : celui d’être reconnue.
1.2 Et l’attente…
L’attente c’est l’attitude que l’on adopte face à ces besoins.
C’est à la fois un moment d’immobilisation
Mais également un moment de mouvement psychique vers l’avenir.
C’est donc un moment de tension…
2/ Temps de l’adoption
Parents adoptants, nous avons vécu différents temps…
- L’agrément, qui nous semblait alors fort difficile…
Je suis sure que vous (tout comme moi) êtes allés sur internet pour voir les questions types et avez répétés avec votre conjoint
Si on avait alors connu la suite… - Le pré-dossier, auprès des OAA ou le Projet de Mise en Relation par l’AFA
- Puis la constitution du gros dossier, ce qui n’est pas simple pour les Philippines,
- la traduction, la légalisation au MAE avec… souvent plusieurs renvois
- Puis enfin, l’envoi de ce dossier
- Attente…
- L’acceptation de l’ICAB
- Puis de nouveau l’attente
- Apparentement
- Les démarches pour l’acceptation
- Puis de nouveau attente du feu vert
Nous vivons le temps de l’adoption comme un temps en accordéon
Entre démarches actives (RV, constitution de dossiers, traduction, envoi au MAE… ré-envoi au MAE…)
3/ Il y a différentes attentes à gérer autour de nous
- 3.1 Celles des couples qui ne sont pas encore parents
Avec l’infime espoir d’être appelé « Papa » ou « Maman », de passer des fêtes de Noël, de Pâques, de fêtes des mères ou fêtes des pères en entendant un petit rire aigu…
- 3.2 Celles des parents et ce même si père et mère ont des attentes différentes
- Les pères restent sur l’administratif, le juridique quand ils évoquent de l’adoption
On en est là de nos démarches, on a fait cela… on a eu tels soucis avec le MAE… - Les mères sont plus dans la représentation future…
Il me tarde de l’embrasser, de le serrer fort contre moi
- Les pères restent sur l’administratif, le juridique quand ils évoquent de l’adoption
- 3.3 Celles des enfants, de la fratrie
Quand on range la chambre, on peut entendre
Non je ne veux pas jeter ce jouet, on le garde pour le petit frère ou la petite sœur
Quand est ce qu’il arrive ?
Ou quand il tarde trop …. Je ne mérite pas d'avoir un frère ou une soeur ?
- 3.4 Celles des grands parents, des proches
Qui sont d’abord inquiets pour nous, qui entendent les reportages, savent que l’adoption internationale n’aboutit pas toujours…
Ils ne comprennent pas non plus nos doutes alors qu’on leur a dit précédemment que c’était bon une fois que l’on était accepté aux Philippines…
Avec parfois des mots blessants… et paradoxaux… l’éternelle question
Alors ça en est où votre projet d’adoption…
Gentiment on répond… on explique
Et on a parfois en réponse
Tu y crois encore ? Cela ne va jamais se faire…
Vous êtes sûrs que votre dossier ne s’est pas perdu depuis le temps ?
Puis comment tu en es sûr ? Vous êtes pas entrain de vous faire rouler…
D’ailleurs tu as tort d’impliquer autant ton enfant…
- 3.5 Celles des moins proches
On a beau expliquer toutes les démarches, le gros dossier, l’acceptation par l’agence, puis celle de l’ICAB, le matching…et malgré tout, notre fierté d’être sur ce parcours dans un pays
« Vu de loin ça parait long quand même »
Vu de proche aussi… ;-) que noscopains ou collègues soient rassurés…
L’attente peut induire une non disponibilité professionnelle, sociale
car on souhaite être plus disponible quand viendra l’enfant
et on a peur de s’engager avant…
On ne fait donc rien, au cas où…
4/ Différentes manières de vivre l’attente
- 4.1 La non attente
Il n’y a pas de tension, car on sait que rien ne se passera avant un certain délai,
on n’attend pas de réponse à court terme
Par exemple, les dossiers AFA acceptés en 2012 ne seront pas apparentés l’an prochain, pas d’excitation, pas de tension - 4.2 La politique de l’autruche…
Tout le monde connaît cette image… c’est ne pas vouloir voir ou entendre les problèmes qui pourraient survenir…
- 4.3 Intérêt
On serenseigne sur ce qui nous concerne, sans tout maîtriser… Etape par étape…
PAEPAMA, et en particulier les échanges sur le forum, peuventêtre une valeur sûre au niveau de l’information : l’expérience des parents qui en sont un tout petit peu avant nous dans l’avancement du projet est une richesse, une valeur ajoutée que n’ont pas les autres forums de par la spécificité de notre APPO.
Et c’est justement en faisant circuler ces informations que PAEPAMA devient une référence.
Il y a une notion d’entraide entre nous via le forum, je peux à la fois aider les autres mais également être aidée.
4.4 Participation active, contrôle
Lecture intensive, utilisation des réseaux sociaux, …
Une information globale sur tout…
Attention, on peut très bien passer par les différents stades, aller de l’un à l’autre suivant l’avancement du projet.
5/ On peut subir l’attente
5.1 L’attente peut être destructrice quand
- la réalisation du projet est incertaine
(ce qui pour nous, parents adoptants, n’a pas lieu d’être aux Philippines… Tout dossier accepté est apparenté, s’il ne l’est pas, ce sont les parents qui considèrent c’est de la volonté des parents ils considèrent alors que le projet initial accepté par l’ICAB n’est plus d’actualité)
il n’y a pas de maîtrise du temps, de perspective, de durée…
Et là, j’ai une pensée pour les dossiers de 2009 à qui on avait promis un apparentement sous 18 à 24 mois maxi….
Dans ce cas-là, on se place dans une situation de dépendance par rapport à l’autre
Et là, cela ne peut être que frustration
Car rarement satisfait dans les conditions, les délais escomptés…
Et là, ça nous concerne plus…
- on refuse d’entendre, de voir la réalité ou quand l’émotion agit sur la raison…
Cela est souvent induit par une méconnaissance dû à la politique de l’autruche… un désintérêt de ce qui se passe au niveau de l’adoption.
Ainsi, sur les délais, croire qu’il n’y a que nous qui vivons cette attente…
La réalité peut ne nous sembler pas toujours juste mais elle est ainsi… Et nos appels criant à l’injustice incessants sur le forum ou dans les agences n’y changeront rien…
L’ICAB reste souverain…
Il y a alors une angoisse quand on perd le sujet de l’attente, l’enfant,
pour ne regarder que cette tension.
5.2 Quelques signes d’alerte
A court terme :
- Impossibilité de s’inscrire dans de nouveaux projets professionnels, sociaux…
- Trouble du sommeil, de la concentration –(hypervigilance)
- Y penser chaque fois que le téléphone sonne, quand un mail arrive…
- Egoïsme, renferment
- Colère quand on compare les parcours, ce qui peut entrainer des doutes, des incompréhensions…
Au moment de l’apparentement :
- Quand on attend longtemps, c’est prendre le risque d’accepter ce que l’on aurait refusé à un autre moment. Le jugement est peut être altéré…
Peu importe ce que l’autre est prêt à donner, on accepte…
Au risque d’un problème d’adoption…
- Un autre risque et non des moindre est celui de refuser l’apparentement…
6. On peut mettre des stratégies pour mieux vivre cette attente…
6.1 Visibilité, transparence sur l’adoption
C’est là qu’interviennent notre APPO PAEPAMA, l’AFA, les OAA…
Il est important de se sentir portés, accompagnés…
Un peu comme lorsqu’une femme est enceinte, on a besoin d’un contenant sécurisant, j’allais presque dire comme un ventre fantasmatique….
Cependant, toujours nous accompagner en toute transparence…,
nous donner un peu des échographies régulières pour reprendre l’image de grossesse de tout à l’heure…
Ainsi, pour nous, parents adoptants, il est nécessaire de nous transmettre les réalités actuelles de l’adoption aux Philippines sur les délais, sur les caractéristiques des enfants…
(On a vu que l’absence de délai en introduction peut être source d’angoisse…)
Cette confiance que nous demandent les agences à travers l’instruction des dossiers, devraient inciter les agences à faire de même, à nous inspirer confiance…
De notre côté, se tenir au minimum au courant de ce qui se passe dans la procédure d’adoption, en adoption internationale et aussi aux Philippines (Tremblement terre Cebu)
6.2 Savoir réévaluer le projet
Au début, le projet d’adoption est « en principe » porté par le couple
C’est un projet commun, voire familial.
Avec les années, il est normal que le projet évolue :
Il est nécessaire d’ identifier les nouvelles caractéristiques
sociales, familiales, santé, professionnelles, financière, temporelles
qui peuvent imputer sur le projet d’adoption…
Il est nécessaire de connaître les nouvelles priorités de chacun
Prendre en considérations aussi la réalité de l’adoption internationale et son évolution
Et puis, échanger suffisamment pour se donner de nouvelles limites…
Nous devrions pouvoir échanger librement,
sans crainte de l’évaluation puisque le dossier est déjà accepté,
sans crainte de la mauvaise réponse…
PAEPAMA, les associations et les agences sont là pour nous aider à diminuer l’écart qu’il y a entre nos représentations fantasmagoriques et la réalité…
Il est essentiel de faire émerger l’imaginaire parental afin d’anticiper les enjeux de
l’adoption en les confrontant au réel de l’adoption.
Pour vérifier l’adéquation entre notre projet et la réalité
Ainsi, les familles de 2009 qui avaient souhaité un enfant de – de 2 ans et qui étaient accompagnés par PAEPAMA était au courant de la réalité … Au-delà des délais (non, leurs dossiers n’étaient pas perdus…) ils savaient qu’ils seraient parents d’un petit plus proche de 2 ans que de 2 mois…
Cette réflexion est essentielle, elle la maturité d’un projet
Et peut écarter certains échecs liés à l’inadéquation entre le projet initial et le projet actuel de la famille
C’est de l’ordre de la protection de l’enfance…
Et si on voit que le projet change ou devient incompatible,
Oser le dire
Et le plus important, en tenir informé les agences
Et redire son projet fait également du bien…
6.3 Approfondir sur l’adoption
Il est nécessaire aussi de nous faire travailler sur l’adoption elle-même…
Et notamment sur la mère biologique…
Cette réflexion en amont est indispensable afin d’éviter tout sentiment de culpabilité au moment de l’adoption.
« Je me demandais ce que je faisais là… J’avais l’impression de voler cet enfant. »
Il faudrait voir l’adoption comme un passage de relais….
Il est important de lire, d’échanger, de partager pour qu’il n’y ait pas d’interférences,
D’effraction au moment de la rencontre avec l’enfant…
Et plus largement, réfléchir sur la spécificité adoptive
pour se donner une disponibilité, une souplesse psychique…
6.4 Se protéger, se faire du bien
Un peu de reconnaissance
Sachons repérer les petits bonheurs du quotidien, La première gorgée de Bière
Nath Longevial, (petit livre jaune de l’adoption) que certains d’entre nous connaissent, parlent dans son dernier billet de se forcer à rechercher ce petit plus de la journée, un bonjour du voisin, une invitation… et au moins arrêter de se dire que non les gens quand ils se lèvent le matin, ils ne se demandent pas ce qu’ils pourraient faire pour nous embêter
Partager pour connaître, reconnaître les parcours des uns et des autres
Et découvrir que le nôtre n’est pas si hors normes que cela…
Organiser un Swap, une rencontre… et mettre son côté Gollum de côté
Histoire de se décentrer un peu de son attente, tout en allant un peu plus vers son enfant,
on peut découvrir les Philippines, suivre l’actualité des Philippines via le blog de Dominique, découvrir les enfants Philippins à travers Virlanie, en parrainer un… et encourager Mickaël ou faire une action similaire
Cela peut aussi être une séance vidéo (on a vu Lola que je conseille particulièrement…),
Lire un bouquin sur les Philippines ou apprendre 10 mots de tagalog par semaine
Rêver devant les vidéos des Philippines
ou comme l’ont fait certains d’entre nous d’aller au pays du sourire avant la Grande rencontre…
Ou encore se projeter
Entendre nos amies qui ont adopté, qui évoquent leurs parcours, avec leurs doutes mais aussi l’issue… peut nous permettre de croire qu’à nous aussi, cela va arriver… même si parfois cela est trop lourd…
Et enfin, s’imaginer quels seraient les vêtements que l’on mettrait pour la rencontre, les photos que l’on souhaite envoyer…
6.5 Gérer les relations
Pour en revenir aux enfants, il est peut être bon de leur dire que vous ne leur avez pas menti…
Vous-mêmes, vous ne vous attendiez pas à ces délais… Mais en même temps, on ne peut prévoir, maitriser les flux d’orphelins et heureusement… (Je dis un peu en boutade à ma fille « on ne va quand même pas tuer les parents d’un enfant pour l’adopter… »)
Redites leur pourquoi vous avez choisi ce pays, partager avec eux l’éthique des Philippines et le matching dont on nous parle tant…
Leur montrer que vous rester maîtres du projet, dernier décisionnaire, … même si vous n’en maîtriser pas tout (un peu comme le bouchon un 1er août pour aller en vacances… on ne maitrise pas la durée du voyage mais ça ne remet pas en cause les vacances)
Si des facteurs importants évoluent, les approfondir avec eux…
Pour l’entourage, c’est pareil… Etre francs… Dire que vous ne vous attendiez pas à cela…
Cependant, étant donné l’adoption internationale au jour d’aujourd’hui dire que l’on peut être rassurés d’être là où nous en sommes… et à eux aussi, partager l’éthique et le matching propre aux Philippines…
S’ils ne vous croient pas, faites leur découvrir les blogs des copines, ils verront qu’il n’y a pas que vous qui attendez… Et arrêterons de vous avoir en pitié…
Conclusion…
Devant l'allongement des délais, il est nécessaire que les parents aient de nouveaux repères, de nouvelles stratégies.
Toutefois, il me semble important également que les agences puissent s'adapter également...
L'actualisation du dossier pourrait être plus personnelle qu'un simple clic sur un ordinateur, que ce soit un moment pour étayer ; revalider ce que nous sommes prêts à accepter comme caractéristiques…
Il faudrait organiser des journées, des moments de réflexions sur la spécificité de l’adoption comme nous sommes entrain de le faire. Certains CG le font, ou EFA…
Enfin, on demande aux enfants du couple de s'investir... mais qu'en est il quand ils s'investissent à 4 ans et que le projet aboutit à 10 ans ? Qu'est ce que cela veut dire pour eux, représente pour eux ?
Enfin, quand un projet d'adoption doit être abandonné, qui peut accompagner les parents et de surcroît les enfants ?
Plus personnellement, ne pas oublier que l’attente n’altère pas le temps…
Il est donc de notre ressort d’atténuer la tension…
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